
redessiner mes contours
redessiner mes racines
ce n’est pas tout effacer
c’est reprendre là où c’est flou
là où les frontières sont poreuses
un peu trop
c’est laisser entrer le monde dans le corps
par la bouche
et par le sexe
sans tempête
sans avalanche
comme si le trop plein de vide à l’intérieur
faisait un appel d’air
un appel à trop
un appel à l’aide
un appel à ne plus sentir le corps
trop réel
trop minéral
trop immobile
regardant par l’unique fenêtre les mouvements du trop
le trop de plein
la vie percussion violente
qui s’en fout des morts
et de leurs corps difformes réduits en poussières sur les murs qui s’en moquent eux aussi
ça pourrait transpercer
ça pourrait faire mal
trop mal
ce trop
ce trop de vide
ce trop d’absence
aux yeux vitreux qui se vident comme un abcès
car la mort fait éclater les corps
ils se répandent sur les trottoirs
et se mélangent à d’autres corps sans contours
je voudrais partir avec mes mots tout au fond de la mer comme Virginia
je voudrais partir avec mes mots et les étaler le long de ma peau
pour dire il y a des choses à l’intérieur
et ça me tient debout
ma matière danse dedans
et je n’ai pas besoin que l’on cogne sur mes parois
pour voir si la vie résonne quelque part
je vais redessiner mes contours
comme on passe par dessus des traits pas très nets
avec un crayon pas trop piquant
et des couleurs au goût de sel
comme la peau de ma mère quand je dormais contre elle
et la laisser dans un coin
pour être moi
c’est ma voix qui parlera par ma bouche
c’est ma volonté qui agira par mes mains
c’est mon regard qui caressera par mes yeux
c’est mon plaisir qui grandira par mon sexe
c’est un arbre debout qui arpentera le monde par mes pieds
c’est un amour nouveau qui jaillira par mes racines
mes frontières seront ouvertes
ou fermées
selon les saisons de mon corps
plaine sauvage et puissante
vie écarlate
et mauve et bleu et jaune
remplie
mais
pas
trop
photo d’illustration: sculpture de Brancusi