
parfois je rêve
parfois je me souviens
comment savoir ce qui va naître
des méandres nocturnes
le rêve ne nous appartient pas
je me livre à la nuit
je m’y enfonce
je m’y coule
je m’y noie
je voyage en apnée
les profondeurs exhalent des couleurs bleu et or
j’y rencontre mes planètes internes
je traverse des mers d’opale
je crie contre des parois de verre
le monde est un murmure
son souffle est un lierre
un chant de baleine
qui me recouvrent
le rêve ne nous appartient pas
nous sommes à sa merci
il nous bouscule nous hante nous malmène nous
engloutit
le rêve est un vertige
un saut dans le vide
de la peau qui s’enivre
de la nuit qui explore
de la vie toute puissante
entièrement nue
et la mémoire récolte
et la mémoire ressoude
et la mémoire restaure
fragments bribes parcelles miettes
les mondes s’emboîtent s’entrelacent se
pourchassent
pas de passé
pas d’avenir
pas de haut
pas de bas
pas de linéarité
pas de gravité
les murmures s’agglutinent
se concentrent
se répètent
en boucle
jusqu’à la nausée
au réveil la trace
le rêve ne nous appartient pas
je sens qu’il me dit quelque chose
je sens qu’il me connaît
je sens qu’il m’apprend à vivre
je sens qu’il est mon lien avec une forêt invisible
je sens qu’il me rend vivante
je sens qu’il me bouleverse
je sens qu’il me fait rencontrer des mondes et des
êtres évaporés
je sens qu’il me prolonge
je sens qu’il me répare
illustration: « La Cellule d’or », Odile Redon, 1893