les solitudes

écroulement du temps

dans le sable et le ciel

chargés de sel

la mer

introvertie

ramène sa jupe à l’horizon

plage endormie

paradis d’hiver

je sens la rumeur des vacanciers dans le fouettement du vent

c’est désert et c’est beau

j’ai échoué dans un lieu inhabité

peuplé de fantômes de plagistes

un paysage tranquille

on ne le visite plus

on ne le regarde plus

il ne sert plus à rien

il n’existe plus

je marche au-milieu de lui

c’est lui qui me regarde

il a ouvert un œil

je sens son corps endormi

je l’effleure il bouge à peine

tout semble immobile

la route

les câbles

les feux de circulation

les panneaux

les manèges

la grande roue

les restaurants

les glaciers

les hôtels

le camping

on a mis des parenthèses autour des choses

pas de marcheurs pas de baigneurs pas d’enfants pas de vieux pas de paroles pas de rires

plus personne ne le mate

plus personne ne le critique

plus personne ne crie

plus personne ne l’enjambe

plus personne ne saute sur lui

plus personne ne creuse des trous dans son sable

plus personne ne pisse dans son eau

plus personne ne s’amuse ou fait semblant

plus personne dans des manèges qui braillent et qui font mal aux yeux

plus personne ne l’insulte de ne pas faire assez beau

plus personne ne roule par dizaines le long de son bitume

plus personne n’escalade ses dunes ne piétine sa végétation

plus personne ne fait couler de crème glacée dans ses interstices

plus personne ne l’utilise pour ensuite le quitter sans un regard

plus personne il n’y a plus personne

plus rien que le paysage lui-même

pour lui-même

évidé de sa fonction et rempli de n’être que lui pour lui en lui

traversé de vent et d’embruns

de cris de mouettes et de ciel changeant

je l’entends qui me parle

il se raconte

inutile il s’exprime

il n’attend pas l’été prochain

il s’en fout

les vagues font leur danse le sable vole par

endroits les nuages défilent

un goéland scrute l’horizon perché sur le panneau d’un hôtel

quelques fantômes discutent entre eux

le temps passe

je me tais

le temps passe

je marche

le temps passe

je ferme les yeux

le temps passe

je me fonds dans le paysage

le temps passe

je deviens le paysage

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